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LE SURVENANT

Alphonsine cria comme une perdue :

— Oui, oui, il est parti. Quand je vous le dis…

Parti, le Survenant ! Sans un mot. Sans un signe. Sans un geste de la main.

Encore essoufflée d’avoir monté si vite, Alphonsine s’indigna :

— Un vrai sauvage, quoi ! Ces survenants-là sont presquement pas du monde. Ils arrivent tout d’une ripousse. Ils repartent de même. C’est pire que des chiens errants. Une journée, ils vous mangeraient dans le creux de la main tellement ils sont tout miel. Le lendemain ç’a le courage de vous sauter à la face et de vous dévorer tout rond. Cherchez pas. Celui-là est allé gruger son os ailleurs. Et après lui, ça sera le tour d’une autre, je suppose ?

Deux fois blessé dans ses sentiments, par le départ du Survenant et par l’allusion à Blanche Varieur, Didace l’avertit :

— Fais ben attention, ma fille, pas seulement à ce que tu vas dire, mais à ce que tu peux penser.

Et repoussant d’un violent coup de botte le duvet de poussière par bourdillons sur le plancher, il ajouta :

— Alphonsine Beauchemin, occupe-toi de nous faire de l’ordinaire et de ben tenir la maison. Ça prendra tout ton raide.