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MARIE-DIDACE

vos morts, vous les avez à vous autres pour leur fermer les yeux, pour les ensevelir. Vous pouvez vous agenouiller sur leur tombe, leur porter des petits bouquets. Pas moi. En mer, sur l’eau salée, les morts se perdent. Mon Varieur, appelez-le comme vous voudrez. Traitez-moi de folle, si vous aimez. Donnez-moi tous les noms. Mais d’un homme qui, malgré ses défauts, puis sa pauvreté, a eu pour moi des bontés, quand même que j’en parlerais de temps à autre, je me demande pourquoi ça vous porte à rire ou ben, c’est pire, à penser mal de moi ? Quand même…

Les mots filèrent, troublants, comme la sirène d’un bateau en détresse dans la brume.

Un peu calmée, mais encore rouge d’avoir tant parlé, l’Acayenne étira de deux doigts les coins de sa bouche. La mère Salvail, voyant que l’autre avait terminé son histoire, en profita pour se préparer à partir.

— Maintenant, dit-elle, en se levant, je vous tire ma révérence.

Une dizaine de beignes qu’elle avait enfouis à la dérobée entre ses deux tabliers roulèrent sur le plancher.

— Ah ! un mystère ! fit-elle, plus étonnée que tout autre, d’avoir ainsi oublié sa cachette.