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MARIE-DIDACE

— Laisse le Survenant tranquille ! Le Survenant puis toi, c’est deux !

Toujours le Survenant !

Amable s’écroula, la tête entre les mains. Il ne comprenait plus rien. Passe un passant, un soir d’automne. Il rentre en bourrasque dans la maison et s’y installe comme si tous les honneurs lui étaient dûs. Tout le monde l’accepte, le père Didace le premier, parce que le Survenant a les reins forts, la tête haute et qu’il a appris à se battre ; les femmes, parce qu’il est bel homme, parce qu’il leur chante des chansons et parce qu’il remplit la boîte à bois à temps.

Mais lui, un faiseux d’almanach, quand il a fini d’une place, il secoue le monde d’une pichenotte, comme la poussière sur son bras. Aïe, neveurmagne ! Hou donc ! cours à la place qui le tente. Après, il s’en trouve pour déplorer sa perte, pire qu’un parent défunt. Mais qui c’est qui va au bois, l’hiver, abattre les arbres ? Qui c’est qui apporte le pain sur la table, trois fois par jour ? Celui qui reste.

Celui qui reste, sourd à tous les appels, d’abord à cause d’une mère vieillissante que son départ chagrinerait, ensuite à cause d’une femme maladive à qui il a promis protection, on finit par ne plus le voir, parce qu’on l’a toujours vu à la même place, comme la commode dans le coin.