Page:Guèvremont - Marie-Didace, 1947.djvu/216

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
216
MARIE-DIDACE

L’indignation de Phonsine avait été à son comble. Dès qu’une veuve contractait le moindre bobo, tout le monde, même le médecin, était prêt à en attribuer la cause à l’absence d’homme dans sa vie. Après elle n’en avait plus soufflé mot à personne. Mais à mesure que son cauchemar revenait, sa nervosité augmentait avec la terreur de la nuit. Elle veillait tant qu’elle pouvait faisant des efforts pour ne pas succomber au sommeil.

Et jamais elle ne passait près du puits.


***

Depuis le matin Didace Beauchemin fauchait.

Il avait, selon sa coutume, une fois la rosée tombée, entamé le champ du premier coup de faux, tel qu’il appartient au maître du bien. Puis il avait continué à faucher à la main, de façon à ne rien laisser perdre des lisières, le long de la coulée, le long des haies où courait le liseron.

Maintenant, Didace manœuvrait la faucheuse mécanique. Seule la rareté des hommes, depuis la guerre, l’y avait décidé. De loin, Phonsine le vit avancer, col ployé, du même mouvement que les chevaux qu’il conduisait, comme s’il participait à leur peine.