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MARIE-DIDACE

son chagrin. Il a ben le droit de se rincer le dalot avec de quoi de plus fort que l’eau de la petite rivière. Il a le droit ! Viens, que je te parle ! Tu vas garder la petite…

Il cligna de l’œil :

— Puis, je te récompenserai comme il faut !

— Ah ! ben non, par exemple ! Puis tu m’avais jamais dit qu’elle avait les reins faibles ?

Ils ne faisaient aucun cas de Phonsine : dérobée derrière une chaise, elle fondait d’humiliation et de chagrin.

Le lendemain soir, son père la conduisit à l’orphelinat. Une orpheline avec des orphelins. Dans sa petite tête malheureuse, la honte se confondit avec la misère. Elle était une orpheline.

À un bout du corridor sombre, une religieuse faisait la surveillance sous un lampion qui brûlait jour et nuit. Le lumignon n’éclairait qu’en partie le vêtement écarlate d’une statue de saint et des pieds lisses et blancs aux orteils dorés.

Devant la sœur, Joseph Ladouceur se donnait de l’importance. À voix haute, il recommanda à Phonsine :

— Il faudra obéir, tu m’entends ? en tout ce que les bonnes sœurs te demanderont de faire. Autrement, tu seras renvoyée…

Par un geste de tendresse refoulée, Phonsine cou-