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MARIE-DIDACE

conversation. Rendus à Sorel, il m’a fait asseoir sur un banc, dans le carré, en disant qu’il allait conduire le cheval à « L’Ami du Navigateur ».

Les cils d’Angélina battirent. Sa figure changea :

— Il est jamais venu me rejoindre. La musique était finie, les lumières éteintes et je l’attendais toujours. Il a ben fallu que je me décide à aller chercher le cheval et à revenir au Chenal. Après avoir dételé, au lieu d’aller me coucher, j’ai commencé à l’attendre.

— Tu l’as attendu ?

— Si je l’ai attendu ? Demande-moi pas quelle sorte de nuit j’ai passée. J’étais pas dans le monde. Au moindre bruit sur l’eau, je courais au quai. C’était quelque bête sur la commune qui allait boire à la rivière. Ou ben rien. Allons donc, je regagnais le chemin. Et toujours avec la crainte que mon père vinssit se réveiller et me surprendre de même. À la barre du jour, des poissonniers, qui venaient de porter leurs pêches au gros, me l’ont ramené.

— Il était pas en fête ? demanda Marie-Amanda,

— Comme de raison. Dès que j’ai voulu l’apostropher, il m’a arrêtée : « Aïe ! neveurmagne ! »

— Tu savais pas qu’on n’interbolise jamais un homme en boisson ?

— Je le savais, mais… Toujours est-il qu’il m’a empêchée de continuer, en disant : « Moi, la Noire,