Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/127

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de la Crèche. Le conte n’était pas même un décalquage habilement masqué mais une pure copie. Caroline en tremblait d’indignation.

— Il y a eu un vol ! cria-t-elle à toute voix.

Aussitôt Philippe, Lauréat et Salvator accoururent.

— Un vol ! Où ça ?

— Comment ça ?

Les questions pleuvaient de toutes parts.

Quand Caroline eut expliqué sa découverte, Lauréat et Salvator retournèrent au travail sans passer de remarque. Philippe se contenta de hausser les épaules : Que voulez-vous qu’on y fasse ?

— Mais ne trouvez-vous pas odieux un tel plagiat ?

— Odieux, oui, mais le mal est fait et nous n’avons pas charge d’âmes.

— J’écris pas plus tard qu’aujourd’hui à cette Rose-Aimée et je lui dis ma façon de penser.

— Êtes-vous bien certaine que son écrit n’est pas protégé par des guillemets ?

— Oui, j’en suis sûre. D’ailleurs il y a tellement de petits écrivains qui pigent sans scrupule le bien d’autrui et dont tout le talent consiste à citer celui des autres que si, soudainement une loi bannissait les citations et les guillemets, le monde des lettres serait vite dépeuplé. Comment ! Je verrais un vol se commettre sous mes yeux et je ne crierais pas : Au voleur ! Vous me connaissez mal. Sans compter que les autres journaux qui, de bonne foi, reproduiront le conte s’exposent à un préjudice.

— Calmez-vous ! D’ailleurs il existe des associations dont le but est de protéger les auteurs et de démasquer les reproductions illicites et les plagiats. Laissons-les faire, sans nous occuper du reste.

Caroline habituée à parler et à agir en droiture s’entêta :

— Je lui écris.

— Vous avez grandement tort. « Le Vent