Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/128

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de l’Est » est le Journal qui a eu pour vos écrits le plus de bienveillance. Tenez-vous le pour dit : je n’entrerai pas en guerre avec mes confrères pour satisfaire votre petit amour-propre. Il pourrait vous en coûter cher.

— Soyez sans inquiétude : je ne marchanderai pas et je paierai toute seule.

Philippe endossa son paletot et sortit.

Tout le sang de Caroline bouillonnait de fierté. Autrefois un Lalande attaché au bûcher avait préféré avoir la langue arrachée par les Indiens plutôt que de livrer un secret à l’ennemi. Les Lalande avaient la réputation d’être fiables. C’est de l’or en barre ! disait-on d’eux, à cinq lieues à la ronde, mais il ne faudrait pas leur proposer rien de mauvais.

Non ! Caroline ne laisserait pas le pillage s’accomplir sous ses yeux sans élever la voix. Toute petite, elle avait, par ses cris, mis en fuite deux rognes de village qui maraudaient dans le verger de sa grand’mère. Ils avaient eu beau la menacer et lui lancer des pierres, rien ne l’avait fait bouger avant qu’ils eussent déguerpi. Elle était encore capable de rester debout, face aux coups.

Et sans s’accorder une minute de répit, elle écrivit la lettre.


Elle ne reçut pas un mot de réponse.

La matinée du lundi était consacrée spécialement à lire les journaux de la semaine précédente ; ils arrivaient à la douzaine de partout. Le premier que Caroline dépouilla de sa bande fut, sûrement, « Le Vent de l’Est ». Dans ses « Piqûres d’épingles » il contenait des allusions si directes à Agathe, on y faisait un tel rapprochement entre Agathe et le plagiat que Caroline finit par se demander si ce n’était pas elle au lieu de Rose-Aimée qui avait plagié Jacques Péricard. Le lecteur le plus avisé ne saurait se défendre d’une pareille impression.

Philippe s’empressa de réclamer Le Vent de l’Est. Quand il l’eut parcouru, il