Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/132

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Parfois, il irait au Texas. En avion, naturellement. Lui qui ne parvenait pas à embrayer deux pentures ordinaires, il se voyait en génie de la mécanique accomplir des exploits dont on parlerait sur tout le globe terrestre.

Un autre jour, au beau milieu d’un travail, il surgissait, les yeux égarés, s’informer auprès de Caroline du temps qu’il fallait calculer pour se rendre en Turquie. Caroline répondait : « Ça dépend ; à pied ou en voiture ? » Elle savait alors que Salvador avait un penchant pour les vieux pays et sa blonde, Blanche-Rose, la fille du boulanger d’en face, pouvait se morfondre d’amour pour lui, seule, sur sa galerie ; même les bonnes odeurs de pain chaud ne le convaincraient pas de traverser la rue. Il ne parlait que de femmes aux yeux glauques qu’il nommait des Turquoises et dont les formes longues glissaient comme des ombres drapés dans des voiles vaporeux.

— Je t’en prie, disait Caroline, ne me fais pas mourir avant le temps. Premièrement, tu vas cesser de les appeler des