Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/162

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pupitre, sans une parole. Comme elle s’éloignait, il la rappela. Elle crut, un moment, qu’il se ressaisissait. Mais lui, imperturbable, dit simplement : « Votre jupon dépasse ».

Qu’il ne daignât pas élever la voix pour louer ou sanctionner un seul de ses écrits mais qu’il eut, pour un accident de toilette, une remarque spontanée parut à Caroline d’une cruauté féroce.

De jour en jour, la tranchée qui les séparait allait en s’élargissant.

Il y avait quinze mois qu’elle était à l’Anse-à-Pécot, et il n’était pas question pour elle de voir son traitement augmenté. Avec les quelques dollars supplémentaires que lui procurait sa collaboration au quotidien, elle parvenait à peine à faire de maigres économies. Parfois elle voyait ses petits écrits sous le pseudo d’Agathe, reproduits dans de petites feuilles. Depuis son retour de l’hôpital, Philippe ne lui avait jamais permis d’écrire dans la colonne éditoriale. En somme, elle menait une petite vie. Chaque jour elle accomplissait les mêmes gestes,