Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/179

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à déplorer d’autres noyades. Le maire en personne venait surveiller les progrès du sauvetage et, de son verbe onctueux, tempérer l’ardeur des arguments.

L’arrivée du scaphandrier créa tout un émoi. Caroline s’attendait à voir paraître un colosse à la force herculéenne. C’était un petit homme qui parlait bas. Chacun de ses voyages sous l’eau durait une dizaine de minutes et à chaque remontée il exigeait une rasade généreuse d’alcool avant de faire part à qui que ce soit de ses constatations.

Quand le sauvetage fut accompli, une bataille s’engagea entre le coroner de l’Anse et celui de Brumeville, chacun tirant de son côté pour obtenir la présidence de l’enquête, l’accident étant arrivé au « beau mitan » du fleuve. Le coroner de Brumeville alla jusqu’à ridiculiser son confrère de l’Anse : il prétendit que, lors d’un suicide, il avait déshonoré la charge de coroner en prononçant un verdict d’ignorant : « Cet homme s’est suicidé lui-même ».

Le procureur général eut tôt fait de mettre le holà à leur querelle en leur enjoignant de présider l’enquête conjointement.

Tous ces événements peuvent paraître infimes aux yeux d’un étranger mais à ceux d’un Pécotin, ils avaient une importance extraordinaire. « La Voix des Érables » relata l’accident et l’enquête avec titres sur toute la largeur du journal. Les sous-titres et les sous-sous-titres n’en finissaient plus. Caroline dut donc remettre encore une fois son voyage à Montréal.

Quand les choses se furent calmées, elle voulut en profiter pour parler à Philippe d’un projet qui la tentait depuis longtemps. Puisque les femmes journalis-