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CHAPITRE VIII


Le lendemain matin, Caroline, ragaillardie par une journée au grand air, avait des ailes en se rendant à l’ouvrage. Justement Lauréat était en train de raconter, dans son parler pesant qui cherchait les mots, la pêche de la veille : ils avaient pris des crapets-soleil, de la carpe-à-cochon, un brochet ça de long — il en mettait plus que moins — même une anguille qui avait coupé la ligne de Darcinette comme au ciseau, et comme de raison de la perche en masse quoique à l’eau haute, elle ne soit pas aussi vivace qu’à l’eau basse.

— Une bonne variété de poissons, conclut Philippe, en se faisant prier.

Un de ces jours, il irait lui-même donner un coup de ligne dans la baie et on verrait alors ce que c’est qu’un pêcheur. Un vrai.

Caroline, que Philippe intimidait avec sa superbe, prit son élan pour raconter l’histoire de la sarcelle et de sa couvée. Elle parlait simplement et tout ce qu’elle disait était si vivant et si sensé que c’était plaisir de l’entendre.

La journalière qui, chaque lundi matin, nettoyait les bureaux, abandonna une travée pleine d’eau savonneuse, pour mieux l’écouter.

— Ah ! oui — reprit-elle, convaincue, les animaux ont bon cœur. Meilleur cœur que ben du monde. Cette histoire-là me fait penser à la vache à Coq Saint-Amour quand ils lui ont ôté son veau. Elle est restée collée à la clôture toute une nuit