Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/54

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commerçant aurait osé passer onze œufs à la douzaine, tout en engageant la conversation, encore moins le jouer sur la pesanteur : il avait l’œil ouvert. On le savait à l’Anse-à-Pécot et dans les environs.

Aussi choisit-il des belles fraises fermes, à la queue d’un vert éclatant, dans des coffres reposant sur la fraîcheur de l’herbe-à-liens.

Justement cette année-là, les fraises étaient non seulement abondantes mais d’une délicatesse de goût sans pareille. Il aurait fallu retourner loin en arrière pour en retracer de semblables. Même des voyageurs racontaient qu’en passant à l’Île d’Orléans, ils avaient vu des champs de fraises entiers dont les sillons étaient transformés en ruisseaux de sang, les fermiers ne suffisant pas à cueillir les fruits qui mûrissaient en une nuit.

À la veillée Mariange entreprit donc de faire des confitures, chacun ayant auparavant donné un coup de main à équeuter les fraises. Rien ne l’embarrassait moins. Elle sortit la grande bassine de cuivre qui lui venait de sa mère, pesa livre de sucre pour livre de fruit et mit le tout à feu doux. Dès que le sirop ferait la goutte, les confitures seraient prêtes à l’empotement. Si seulement la chaleur n’eut été à son comble. On aurait