Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dit que ce qui te semble chaos ne te mène pas à quelque prochain bonheur ? Tout sert.

Peu à peu la paix s’insinuait dans l’esprit de Caroline. Déjà une heure. D’un bond, elle fut debout. Elle se rendait, de ce pas, chez la mère Ricard dont le mari venait de mourir. Ce journalier qui hâlait de l’eau les noyés avait péri à son tour. En tirant un corps, la chaloupe avait chaviré.

Depuis que sous le vent acharné de l’automne, les arbres pleuraient leurs dernières feuilles, l’Anse-à-Pécot semblait avoir élargi ses perspectives et la ville était plus claire. Aucune rue, aucune impasse que Caroline ne connût maintenant. Elle trouva sans peine, aux limites de la ville, la maison de la mère Ricard, une chaumière rivée au trottoir.

Caroline frappa. Rien ne bougeait au-dedans. Elle frappa de nouveau. Lentement elle fit bâiller la porte. Toute la vie intérieure tenait dans le chant de la bouilloire qui lançait des jets de vapeur au plafond vert-pomme. Du poêle paré de nickel étincelant — le luxe des pauvres gens — se dégageait une odeur de résine.

Madame Rivard ! héla Caroline.

Occupée à une besogne de blanchissage dans le bas-côté, elle traînait ses savates et n’entendait rien.

Madame Rivard !