Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/86

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— Je vais toujours hâler les caractères pour les examiner.

Il ajouta, encore perplexe :

— Là, vous êtes dans votre élément.

Tandis qu’il regagnait l’atelier, Caroline, tout feu, tout flamme, rayonnait. Pour le taquiner, elle lui jeta…

— Et moi, il faut que je hâle le plus beau conte, le plus beau poème, et des histoires…

Le reste de la phrase se perdit dans la mitraillade de la grosse presse qui happait le papier et le recrachait à sa force.


Les sapins montant la garde autour d’une humble étable, l’odeur de résine, l’enfantelet Jésus tout nu dans les bras de Marie, un air de cantique, fabliaux et légendes, autant d’images qui se miraient dans l’esprit transparent de Caroline. Parfois le souvenir de son récent article le zébrait comme un éclair et le tout se fondait dans une même joie claire.

Grimpée sur un escabeau, elle sortait, à tour de bras des revues rangées depuis Dieu sait quand, avec tant de zèle, qu’elle n’entendit pas la sortie s’ouvrir en trombe.


Dans chaque village, dans chaque villette, il y aura toujours des familles rivales : elles s’en veulent à mort jurée. Une motte de terre possédée par l’une prend les vertus d’une montagne aux yeux de l’autre. Combien de meurtres les annales judiciaires ne relatent-elles pas, meurtres sous un prétexte d’apparence futile mais dont on retrace la source véritable dans la haine héritée de parents qui eux-mêmes l’avaient reçue en partage d’ancêtre lointains, la plupart du temps sans