Aller au contenu

Page:Guérin - Journal, lettres et poèmes, 1864, 6e éd.djvu/429

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’ici la cime chauve du mont Œta ? Alcide l’a dépouillée pour construire son bûcher. Ô Macarée ! les demi-dieux enfants des dieux étendent la dépouille des lions sur les bûchers, et se consument au sommet des montagnes ! les poisons de la terre infectent le sang reçu des immortels ! Et nous, centaures engendrés par un mortel audacieux dans le sein d’une vapeur semblable à une déesse, qu’attendrions-nous du secours de Jupiter qui a foudroyé le père de notre race ? Le vautour des dieux déchire éternellement les entrailles de l’ouvrier qui forma le premier homme. Ô Macarée ! hommes et centaures reconnaissent pour auteurs de leur sang des soustracteurs du privilége des immortels, et peut-être que tout ce qui se meut hors d’eux-mêmes n’est qu’un larcin qu’on leur a fait, qu’un léger débris de leur nature emporté au loin, comme la semence qui vole, par le souffle tout-puissant du destin. On publie qu’Égée, père de Thésée, cacha sous le poids d’une roche, au bord de la mer, des souvenirs et des marques à quoi son fils pût un jour reconnaître sa naissance. Les dieux jaloux ont enfoui quelque part les témoignages de la descendance des choses ; mais au bord de quel océan ont-ils roulé la pierre qui les couvre, ô Macarée ! »

Telle était la sagesse où me portait le grand Chiron. Réduit à la dernière vieillesse, le centaure nourrissait dans son esprit les plus hauts discours. Son buste encore hardi s’affaissait à peine sur ses flancs