Page:Guérin - Journal, lettres et poèmes, 1864, 6e éd.djvu/436

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mais leur âme balance dans leur sein mortel et retient leur penchant. Enfin ils se précipitent, et quelques-uns sont racontés qui revinrent couronnés sur les flots. Ainsi je suis demeurée longtemps suspendue sur les mystères ; ainsi je m’y suis abandonnée et ma tête a reparu couronnée et ruisselante.

Bacchus, jeunesse éternelle, dieu profond et partout répandu, j’ai de bonne heure reconnu tes marques dans mon sein et rassemblé tous mes soins pour les dévouer à ta divinité. Je me portai un jour vers le lever du soleil, dans le temps où les rayons de ce dieu comblent la maturité des fruits et ajoutent la dernière vertu aux ouvrages de la terre. Je gagnai les collines pour m’offrir à ses traits et devant déplier mes cheveux à la première issue de sa lumière au-dessus de l’horizon ; car on enseigne que la chevelure inondée par les flammes matinales en devient plus féconde et reçoit une beauté qui l’égale à la chevelure de Diane. Mes yeux, en sortant, avaient surpris les extrémités des ombres qui redescendaient sous le pôle. Quelques signes célestes, lents à accomplir leur déclin vers les flots, marquaient encore le ciel presque abandonné, et le silence laissé par la nuit occupait les campagnes. Mais ainsi que dans les fraîches vallées de la Thessalie, les fleuves ont coutume d’élever une haleine semblable aux nuages, et qui se repose sur eux-mêmes, la vertu de ton souffle, ô Bacchus ! s’était exhalée du sein de la terre, durant les ombres, et réglait au retour du soleil sur