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Page:Guérin - Journal, lettres et poèmes, 1864, 6e éd.djvu/444

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jour l’essaim des songes qui prennent asile dans leur branchage obscur. D’autres, ajoutés aux forêts de Jupiter ou dressés sur les sommets stériles, portent une cime vieille et sauvage, qui prend tous les vents, et arrêtent toujours quelqu’un de ces oiseaux écartés qu’observent les mortels. Leur destin est irrévocable, car la terre divine les possède et ils sont assujettis à la nourriture éternelle de son sein ; mais tels qu’ils ont été rendus et dans l’immobilité de leur état, ils retiennent encore quelques secrets mouvements de leur première condition. Que les saisons déclinent ou se relèvent, ils demeurent attentifs au soleil ; de tout ce qui se meut dans l’univers ils ne discernent plus que lui, et c’est à lui seul qu’ils adressent ce qu’ils peuvent former encore de vœux confus. Quelques-uns même, telle est la force de leur amour, conduisent le mouvement de leur croissance sur la marche du dieu et tournent vers son passage l’abondance de leurs rameaux. Dans le chemin où j’entrais à la suite du jour, j’ai vu mes pas tomber dans le ralentissement, mes forces encore pleines, et s’éteindre enfin dans une entière immobilité. Alors je devenais semblable à ces mortels réduits sous l’écorce et arrêtés dans le sein puissant de la terre. Retenue dans le repos, je recevais la vie des dieux qui passait, sans marquer de mouvement et les bras détournés vers le soleil. C’était vers l’heure du jour qui montre le plus puissant éclat : tout s’arrêtait sur la montagne, le sein profond des forêts ne respirait plus, les flammes