Page:Guérin - Journal, lettres et poèmes, 1864, 6e éd.djvu/443

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et veulent que leur plumage frissonne et s’entr’ouvre aux moindres haleines survenues au faîte des bois. Ainsi, dans le sein même du repos, mon esprit demeurait exposé au souffle de Bacchus. Ce souffle observe en se répandant une mesure éternelle et se communique à tout ce qui jouit de la lumière ; mais un petit nombre de mortels, par un privilège des destinées, savent s’informer de son cours. Il règne jusqu’à l’extrême sommet de l’Olympe, et passe à travers le sein même des dieux couverts de l’égide ou revêtus de tuniques impénétrables. Il retentit dans l’airain toujours agité autour de Cybèle, et conduit la langue des Muses qui entraînent dans leurs chants l’histoire entière de la génération des dieux dans les entrailles humides de la terre, au sein de la nuit sans bornes, ou dans l’Océan qui a nourri tant d’immortels.

« Au sortir du sommeil, je livrais mes pas à la conduite des Heures. Elles réglaient ma course sur les degrés du jour, et je tournais sur la montagne, entraînée par le soleil, comme l’ombre qui accomplit sa révolution au pied des chênes. Les pas de quelques mortels furent arrêtés par les dieux au voisinage des eaux, dans la profondeur des forêts ou sur la descente des collines. Des racines soudaines ont conduit leurs pieds dans le sol, et toute la vie qu’ils contenaient s’est étendue en rameaux et déployée en feuillage. Les uns, attachés au bord des eaux dormantes, gardent un calme sacré et accueillent à l’approche du