Page:Guérin - Journal, lettres et poèmes, 1864, 6e éd.djvu/447

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es. Une fois debout pour suivre la voix qui l’appelait dans la science des dieux, mon esprit ne retourna plus vers la foule où il avait sa première demeure : il s’éloigna avec son guide vers les mystères les moins fréquentés. Chaque jour la parole de la grande bacchante se relevait prenant devant moi dans l’obscurité des chemins. Souvent les Muses quittent le mouvement rapide des chœurs pour commencer une marche à pas lents au sein de la nuit. Revêtues de leurs voiles les plus épais et se conduisant sur l’extrémité des monts, elles ouvrent des chants divins sous les ténèbres. La parole d’Aëllo m’entraînant vers les dieux s’avançait pareille à cette voix des Muses portée dans les ombres. Un antre ouvert sur les plaines, les cimes réservées aux derniers traits du jour, le lit des vallées les plus fécondes, tels étaient les lieux où me guidait le choix d’Aëllo. La durée de ses entretiens pénétrait souvent jusque dans le sein de la nuit, et alors elle se retirait seule, laissant son discours suspendu dans mon esprit comme les nymphes qui, ayant attaché leurs vêtements humides à une branche inclinée, rentrent dans le secret de leurs demeures.

Cependant s’avançaient les mystères qui allaient enfin m’emporter dans leur cours, mais leurs premiers mouvements dans les bacchantes devancèrent de bien loin l’heure de leur lever. Chacune de nous, ayant reconnu en soi les signes envoyés par le dieu, commença dès lors à s’écarter, car les mortels atteints