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Page:Guérin - Journal, lettres et poèmes, 1864, 6e éd.djvu/448

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par les divinités dérobent aussitôt leurs pas et se conduisent par des attraits nouveaux. Nous entrâmes chacune dans le penchant où nous portait le cours de notre esprit. Semblables aux nymphes, filles du Ciel et de la Terre, qui, dès leur naissance, se répartirent à l’ouverture des fontaines, aux divers cantons des forêts et à tous les lieux où Cybèle avait rassemblé des marques de sa fécondité, ces penchants nous dispersèrent à toutes les régions des campagnes. Nous fûmes admises dans la destinée des dieux qui s’attachèrent à régner sur les éléments. Puissants sur les fleuves, les bois, les vallées fertiles, ils se réjouissent à considérer la vie qui s’achemine sous leurs yeux. Mais dans la durée de ce loisir attentif qu’ils mènent, penchés sur les ondes, leur vie immortelle se conforme à leur chute monotone et leur nature s’engage dans les éléments contemplés, comme un homme surpris au bord des fleuves par le sommeil et les songes et dont la robe se répand dans les flots. Chaque bacchante s’alliait ainsi à quelque lieu signalé par la naissance d’une destinée naturelle. Aëllo parut à la cime des collines et reposa longtemps sa tête sur le sein de la Terre ; elle semblait attendre, comme Mélampe, fils d’Amithaon, que le serpent marqué d’un pavot vînt se nouer autour de ses tempes. Hippothée, assise à la venue des fontaines, y fut rendue immobile ; ses cheveux, qu’elle avait répandus, ses bras dans l’abandon, et l’attachement de ses regards à la fuite des eaux marqueraient sa pente