Page:Guérin - Journal, lettres et poèmes, 1864, 6e éd.djvu/52

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celui des enfants ; et un auteur, ainsi séparé de son entourage, est aussi difficile à comprendre que le personnage découpé par les enfants et détaché de l’ensemble et des ombres du tableau. Après cela, faut-il s’étonner que les études soient si vides, si insuffisantes ? Que peut-il rester d’un long acharnement à la lettre morte et quasi dénuée de sens, sinon le dégoût et presque la haine de l’étude ? En Allemagne, au contraire, une large philosophie préside aux études littéraires et verse sur les premiers travaux de la jeunesse cette onction si suave qui entretient et développe l’amour de la science.

Allons, du courage ! Je suis si accoutumé aux adieux, aux séparations ! Oh ! pourtant, celle-là, c’est trop fort. Non, ce n’est pas trop fort, puisqu’il n’est pas de mal, quelque grand qu’il soit, qui ne développe dans l’âme une égale faculté de souffrance. Je souffrirai, mais je tiendrai parole.

Le 3 mars. — J’ai commencé à écrire sur ce cahier le 10 juillet 1832, et je n’y suis revenu qu’à longs intervalles. Ces huit mois se sont passés dans les plus rudes souffrances (de l’âme). J’ai peu écrit, parce que mes forces étaient à peu près anéanties. Si le mal eût laissé un peu de liberté à mon intelligence, j’aurais recueilli des observations très curieuses sur les souffrances morales ; mais j’étais étourdi par la douleur. Je crois que le printemps me fera grand bien. A mesure que le soleil monte et que