Page:Guérin - Journal, lettres et poèmes, 1864, 6e éd.djvu/51

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aux mains des jeunes gens les auteurs de l’antiquité ; c’est bien. Mais leur apprend-on à connaître, à apprécier l’antiquité ? Leur a-t-on jamais développé les rapports de ces magnifiques littératures avec la nature, avec les dogmes religieux, les systèmes philosophiques, les beaux-arts, la civilisation des peuples anciens ? À-t-on jamais mené leur intelligence par ce bel enchaînement qui lie toutes les pièces de la civilisation d’un peuple, et en fait un superbe ensemble dont tous les détails se touchent, se reflètent, s’expliquent mutuellement ? Quel professeur, lisant à ses élèves Homère ou Virgile, a développé la poésie de l'Iliade ou de l'Enéide par la poésie de la nature sous le ciel de la Grèce ou de l’Italie ? Qui a songé à commenter réciproquement les poètes par les philosophes, les philosophes par les poètes, ceux-ci par les artistes, Platon par Homère, Homère par Phidias ? On isole ces grands génies, on disloque une littérature et l’on vous jette ses membres épars, sans prendre la peine de vous dire quelle place ils occupaient, quelles relations ils entretenaient dans la grande organisation d’où on les a détachés. Les enfants ont un goût tout particulier pour découper les gravures qui tombent entre leurs mains : ils détachent avec beaucoup d’adresse les personnages les uns des autres ; leurs ciseaux en suivent exactement tous les contours, et le groupe ainsi divisé est réparti entre la petite troupe, parce que chacun veut avoir une image. Le travail de nos professeurs ne ressemble pas mal à