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Page:Guérin - Le Semeur de cendres, 1901.djvu/16

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Moi, je suivrai l’exemple heureux d’un laboureur
Qui va, portant de cendre une besace pleine :
Il la lance aux sillons luisants, et son labeur
Avant d’ensemencer fertilise la plaine.

Ainsi, mon âge ardent ayant marqué sa fin
Par un flocon d’azur, là-haut, qui s’évapore,
J’en crible la poussière âcre et douce, et ma main
Dans les cœurs large ouverts la répand, chaude encore.

Et si, tendresse, amour, douleur, révolte et foi,
Si dans mes vers un peu de l’homme se résume,
Un jour j’aurai l’orgueil d’entendre autour de moi
Des fils puissants monter de ma pauvre amertume ;

Et j’imiterai mieux alors mon paysan,
Qui, fier d’une moisson dès l’avril escomptée,
Chaque soir, visitant sa terre, au fort de l’an,
Par le bruit de ses blés a l’oreille flattée.