Page:Guérin - Le Semeur de cendres, 1901.djvu/20

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De légers souffles d’air m’éventent de leurs ailes.
Une rumeur qui gronde au revers d’un coteau
Dénonce la présence invisible de l’eau.
Baissant pour mieux rêver les paupières, j’écoute
Les sombres chiens de garde aboyer sur la route
Où sonnent les sabots d’un rôdeur attardé.

Alors, sur le granit dur et froid accoudé,
Douloureux jusqu’au vif de l’être et solitaire,
Je maudis la nuit bleue où le ciel et la terre
Sont comme un jeune couple à se parler tout bas ;
Et voyant que la vie, à qui n’importe pas
Un cœur infiniment désert de ce qu’il aime,
S’absorbe dans sa joie et s’adore soi-même,
Je résigne l’orgueil par où je restais fort.
Et j’appelle en pleurant et l’amour et la mort.

« C’est donc toi, mon désir, ma vierge, ô bien-aimée l
Faible comme une lampe à demi consumée
Et contenant ton sein gonflé de volupté.
Tu viens enfin remplir ta place à mon côté.
Tu laisses défaillir ton front sur mon épaule,