Page:Guérin - Le Semeur de cendres, 1901.djvu/37

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Nous rêvons, accoudés sur la nappe, devant
Les mets simples auxquels nul de nous deux ne touche.
Nous nous taisons ; parfois tu poses sur ma bouche
Ton bras nu qui frissonne au souffle frais du vent.

La fenêtre faisant un cadre au paysage
Se peint avec les bois et l’horizon natal
Sur les flancs ronds et purs d’un vase de cristal
Dont le courbe miroir nous grossit le visage.

Là-bas, le ciel d’automne est rouge et soucieux.
Ô doux et longs instants d’amour ! Le crépuscule
Décolore déjà l’univers minuscule
Qui diaprait l’azur de la buire et nos yeux.

Ton cœur frappe à la place où ma tête s’appuie,
Nous écoutons les fruits tomber dans le jardin,
Pensifs, et tressaillant ensemble quand, soudain,
Le vent secoue un arbre encor chargé de pluie.