De captifs, engloutis dans la nuit des carrières !
J’ai tout vu. Mais l’orgueil des victoires guerrières
N’a pas roidi mon âme et cuirassé mon cœur.
Alors, lassé du glaive et domptant ma vigueur,
J’ai fait s’épanouir en formes magnifiques
La pierre et le granit des travaux pacifiques.
Obélisques, tombeaux, palais, temples massifs,
Plus épais que les monts, plus durs que les récifs
Battus du lourd bélier des eaux intarissables,
Jaillirent à ma voix des marais et des sables ;
Et comme une immobile et vaste frondaison,
L’ombre monumentale obscurcit l’horizon.
Et Râ-mes-sou passait heureux dans son Empire,
Et de sa lèvre grave un indulgent sourire
Tombait sur Neb-Seni comme un rayon lointain,
Quand triomphalement, dorés par le matin,
Les colosses royaux sur des piédestaux roses
Profilaient dans l’azur leurs immuables poses.
Et le terme est venu de mes ans accomplis,
Et mes jours sont pareils à des vases remplis,
Sortant de mon tombeau, sans appui, sans refuge,
Seul avec ma vertu, je viens devant mon juge
Rendre compte du mal, évoquer le bienfait ;
Et comme un serviteur, scribe au cœur satisfait,
Dans la salle des Dieux, je découvre et proclame
La pureté jalouse et l’orgueil de mon âme.
Je suis pur ! Je suis pur ! Je suis pur ! Ma maison
Fut le verger précoce où mûrit la raison ;
Et devant tous les fils
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