Page:Guerne - Les Siècles morts, I, 1890.djvu/149

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leva. Sa voix brève
Dans la nuit murmurante éveilla les dormeurs ;
Et Lia solitaire interrompit son rêve,
Et Rahel écoutant s’étonna des rumeurs.

Et la tribu partit. Des lueurs indécises
Argentaient l’herbe douce à travers les rameaux ;
Et les hommes marchaient, et les femmes assises
Berçaient leur songe vague au pas lent des chameaux.

Gazelles et taureaux, vaches, ânes paisibles,
Menu bétail saignant de ses pieds fatigués,
Allaient, toujours poussés vers les monts invisibles,
Et traversant le fleuve et s’abreuvant aux gués.

Les filles de Laban disaient : — Notre partage,
O Maître, était plus vain que la cendre et plus vil.
Élohim t’établit sur tout notre héritage
Et le lot de nos fils est à toi, dans l’exil. —

Les jours avaient passé. Mais la dixième aurore,
Blanchissant Guileäd et les sommets rugueux,
Éclaira les Vengeurs dans le ravin sonore
Où Laban irrité descendait avec eux.

Et la voix de Laban sonna, rude et farouche :
— Pourquoi, comme un voleur furtif, vers d’autres lieux
Iaqob s’enfuit-il, à l’heure où sur ma couche
Le sommeil confiant appesantit mes yeux ?