Page:Guerne - Les Siècles morts, I, 1890.djvu/160

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Boit le sang furieux qui bouillonne et s’épanche.
La cervelle fumante, en nappe rouge et blanche.
Coule du front béant, horriblement percé :
L’oreille se déchire, et de l’œil convulsé
De sombres pleurs visqueux ruissellent sur la face.

Mais Elle, la lionne et l'orgueil de sa race,
Baignant ses pieds souillés dans le sang répandu,
S’acharne et frappe encor le cadavre étendu.
La femme au cœur viril, assouvissant sa haine,
Ainsi qu’un bûcheron qui fend le tronc d’un chêne.
Pousse à coups redoubles l’irrésistible pieu
Dans le crâne éclaté, troué par le milieu,
Et cloue, en un torrent de pourpre intarissable,
Comme un fauve abattu, Sisera sur le sable.

Alors Baraq passa. Sur le seuil ruisselant,
Tranquille, Iaël sortit, qui, de son bras sanglant,
Tenant haute une torche à la tueur flottante,
Releva devant lui la porte de la tente :
Et, dans le calme orgueil du meurtre consommé,
Heurtant de son pied nu le corps inanimé,
Cria : — Ne cherche pas ! Entre, ô Chef, et regarde !
Vois le Guerrier muet et la tête hagarde
Où s’enracine encor le pieu que j'ai planté.
Béni soit Élohim dans son éternité ! —