Page:Guerne - Les Siècles morts, I, 1890.djvu/219

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Au murmure du vent sur de lointains sommets !

O Rêve ! les voilà ! Par Melqarth, je promets
Douze bœufs à Baal et six a la Déesse.
J’offrirai tout ; la peau, les entrailles, la graisse
Que retient l’indigent, moi, j’en fais l’abandon.
Et le vin parfumé, le vin cuit de Zidôn
Ruissellera. Je vois, aux reflets des étoiles,
A l’occident pâli monter de triples voiles.
Le jour naît ; le port s’ouvre, et voici qu’apparaît,
Autour du vieil Ilot, l’immobile forêt
Des mâts bariolés, près du bord qu’elle affleure.
Salut, ô chers gaouls ! La Mer Intérieure,
La Grande Mer, propice à vos anciens travaux,
Vous ramène encor prêts pour des périls nouveaux.
Et vous, ô Dieux ! ouvrez vos narines actives
Au parfum crépitant de la chair des captives !
J’accours. Je vous apporte, en mes chars triomphants,
Le choix des nourrissons et des plus beaux enfants,
Comme à l’heureux matin de mon premier voyage,
Quand je montais, suivi d’un immense équipage,
Vers le temple vermeil, de flamme environné,
Au bûcher de Molok jeter mon premier-né ! —

Mais le vieillard se tait ; il sourit, il achève
En son cœur rassuré l’illusion du rêve.
Il revoit l’aube claire et Zour à son réveil,
Le flot silencieux qui miroite au soleil,
La rade éblouissante et le port et le môle,
Dressé comme un gardien formidable qu’