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LA LAMENTATION D’IŠTAR

Et tous les Baalim et tous les vieux Bétyles
Abandonnaient les ports, les cités et les îles,
Tous, Melqarth nautonier, géant, taillé d’un bloc,
Et Baal-Libanon avec Baal-Moloch
Qu’une rouge fournaise emplit jusqu’à la bouche,
Baal-Zeboub, porté sur des ailes de mouche,
Et Reseph lumineux que suit Baal-Phégor.
Puis Eschmoun guérisseur dont la main tient encor
Le serpent médical, conduit les sept Kabires ;
Et dans l’ombre, à travers les flots, loin des navires,
Sur des mâts arrachés et des avants rompus,
Nagent en grimaçant les Patèques trapus.
Le bruit répercuté grandit et suit les côtes,
Et des golfes d’azur, ceints de murailles hautes,
De Qarath-Hadaschath répond le cri fatal
Que pousse, en s’éveillant, Tanith Pené-Baal.
Elle part ; sur ses pas Baal-Hammon s’élance ;
Et la mer déchaînée accroît sa violence,
Les emporte, les roule et les mêle à la fois
Au tumulte des Dieux qu’épouvantait la Voix.

Et voilà que passaient, comme en des chars de guerre,
Les Dieux barbares, durs, sanglants, nourris naguère
De chair d’homme, fumant sur des autels d’airain.
De leurs manteaux, gonflés par un galop sans frein,
Ruisselait, chaude encor, la pourpre des victimes.
Dieux de Gazza, Seigneurs des villes maritimes,
Kemosch, Dieu de Moab, Hadad, de Dammeseq.
Et tous ceux devant qui, sur un lit de bois sec,