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LES SIÈCLES MORTS

Dans la fumée ardente et les langues de flammes,
Se tordent en hurlant des enfants et des femmes ;
Et ceux que réjouit, autour des pieux lascifs,
L’indécise beauté des danseurs convulsifs ;
A qui sur les hauts-lieux plaît le baiser des mâles,
Et, sous les myrtes verts, les sanglots et les râles
Et les sueurs d’amour, au long des membres nus.
Le désert se soulève, et des monts inconnus,
Des gorges de Thémoud, des pics de Nabatène
Monte en un tourbillon, dans la nuit incertaine,
Le peuple informe et noir des Dieux du grand Désert.
Les bornes de basalte et le Rocher couvert
De bijoux consacrés sur des robes royales,
Heurtent leurs angles durs aux pierres sidérales.
Ils s’ébranlent, pareils aux blocs monumentaux
Qu’un tremblement de terre arrache aux piédestaux ;
Et le vent qui les chasse en sa fuite éperdue,
Comme une grêle énorme, à travers l’étendue,
Avec de sourds fracas, de formidables chocs
Et de brusques éclairs sur la noirceur des rocs,
Amasse et précipite une averse de pierres.

Et le vent redoublait ; et les ombres dernières
Des Bétyles épais s’effaçaient vers le Nord,
Où rugissait l’Esprit au temple du Dieu mort.
Mais quand la multitude infrangible et poudreuse
Tout entière eut sombré dans la nuit ténébreuse,
Voici qu’à l’horizon sinistre et décharné,
Dressant son faîte rouge, abrupt, illuminé