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LES SIÈCLES MORTS

Jusqu’au ventre altéré de divines luxures,
Court, ainsi qu’un grand vent sur un lac irrité.
Et dans sa formidable et fière nudité,
Au centre illuminé de la vaste Demeure,
Ištar devant les Dieux paraît, regarde et pleure.
Elle ouvre, comme un pâtre aux bœufs pressés au seuil,
La porte de sa bouche aux paroles de deuil,
Et laisse se gonfler et mugir comme un fleuve
Le flot désespéré de sa douleur de veuve :

— Hélas pour mon Époux, tombé sans défenseur !
Hélas ! Hélas pour moi, son Épouse et sa Sœur !
Hélas, ô Rejeton, Fils Unique, ô Victime,
Premier-né qu’engendra l’Esprit du grand Abîme !
Hélas ! la mort précoce a clos ton œil chéri,
Ô Nourrisson divin dont la lèvre a tari
Ma féconde mamelle, aux jours de ton enfance !
L’hivernal sanglier de sa rude défense
T’a percé, comme un chien dans le désert des bois ;.
Et voici qu’a nouveau j’entends, comme autrefois.
Les lamentations monter dans l’air sonore.

Silence, ô Dieux ! Silence, ô durs Pasteurs qu’honore
Le troupeau gémissant des hommes ! ô Soleils,
Étoiles, Rayons clairs, ô Sept Astres vermeils
Qui voguiez avec moi dans le ciel planétaire,
Éteignez-vous ! Ô Vents qui desséchez la terre
De votre gueule en feu d’où sort un tourbillon,
Courez, vents du Midi, vents du Septentrion,