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Page:Guerne - Les Siècles morts, I, 1890.djvu/55

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LA LAMENTATION D’IŠTAR

Vers l’amour d’Iztoubar j’ai levé ma paupière,
Vers l’amour d’Iztoubar j’ai crié ma prière :
— Sous le voile écarté de mes cheveux flottants,
Tu cueilleras les fleurs de mes seins palpitants.
Viens ! Je suis ton épouse, Iztoubar ! Et toi-même,
Vainqueur, vêtu de pourpre avec le diadème,
Monte et sois mon époux. Le char aux essieux d’or,
Aux coursiers emportés dans un splendide essor,
Te conduira, joyeux, par la porte odorante,
Vers ma maison de cèdre et ma couche enivrante.
Et je serai ta vigne, et, parmi les coussins,
J’égrènerai pour toi mes grappes de raisins,
Tandis que, parfumant le frais pavé des salles,
Ta servante à genoux déliera tes sandales.
Viens ! Mes chambres d’argent, mes palais trop étroits,
Seront tes réservoirs pour les tributs des rois.
Tes grands taureaux au joug courberont leur front large ;
Le mulet de lui-même acceptera sa charge ;
Tes brebis, sans relâche offertes aux béliers,
Dans ton royal bercail s’accroîtront par milliers
Et de doubles agneaux peupleront tes étables. —

J’ai dit. Mais Iztoubar, aux armes redoutables,
De mon visage en pleurs a détourné son œil ;
Et son pied dédaigneux n’a point foulé mon seuil,
Et sa bouche a vomi contre ma face impure
Tout le vomissement de la suprême injure :
— Puisque l’aigle éperdu, l’étalon sans rival,
Puisque l’enfant, meurtri par ton amour brutal,