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LES SIÈCLES MORTS

Puisque rien n’assouvit ta fureur ni ton âme,
Moi, je n’entrerai point ! Ta maison vide, ô femme !
Sur les talons prudents de ma Divinité
Ne refermera pas son portail empesté.
Loin de tes rets trompeurs je fuirai, comme un fauve.
L’air pesant et mortel que souffle ton alcôve.
Ton lit voluptueux, — dont le pilier brillant,
Comme un poignard aigu, transperce le Vaillant, —
Est un antre caché sous un buisson d’épines.
Le nocturne hibou niche dans ses ruines,
Et la flamme sanglante, aux ondoyants reflets,
Dévore jusqu’en bas le mur de ton palais.
Arrière, Ištar ! ô toi plus lascive et plus vile
Qu’une prostituée assise dans la ville,
Qui, les genoux croisés, la corde autour du front,
Silencieuse et peinte, attend ceux qui viendront. —

Ce fut alors, ô Dieux ! quand l’insulte dernière,
Telle qu’une cinglante et rapide lanière,
Sur ma joue avilie eut creusé son sillon ;
Quand plongeant dans mon cœur, comme un dur aiguillon
Qui tremble dans la plaie et l’augmente et l’irrite,
L’implacable mépris de ma beauté proscrite,
Au carrefour d’Ourouk Iztoubar fut entré ;
Quand d’un fer triomphant le Héros eut châtré
Le Taureau, mon vengeur, et vers ma face pâle
Jeté la peau rugueuse et la force du Mâle ;
Alors, loin du ciel pur, vers le morne séjour
Où m’attendait l’Époux qu’évoquait mon amour,