Page:Guerne - Les Siècles morts, I, 1890.djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
41
LA LAMENTATION D’IŠTAR

Et ses membres semblaient, gonflés d’ardente sève,
Des dattiers, lourds de fruits, que l’été dore et crève.
Salut ! ô jour nouveau ! Soleil ! Ciel retrouvé !
Printemps, qui balançais sur l’Amant conservé
Les parfums rajeunis des floraisons précoces !
Baisers inoubliés des fugitives noces,
Ô baisers de Douzi que les divins palmiers
Au jardin solitaire ont cachés les premiers,
Salut ! Le Rejeton, dans sa grâce éphémère,
Tendait ses faibles bras vers le cœur de sa mère ;
Et moi, comme une épouse ayant baisé ses yeux,
Je l’emportai vivant dans le ciel des Grands Dieux.

Les mois sont revenus. L’antique destinée
A refermé sur toi le cercle de l’année.
Voici l’heure, ô Douzi ! Le vent froid des sommets
Mord tes membres glacés et roidis désormais.
Le flot précipité de tes blessures neuves
D’une sanglante écume empourpre l’eau des fleuves ;
L’écorce des Pays est un champ dévasté
Et la terre muette, en sa stérilité,
Te pleure, ô Printanier, qui disparais encore !
Pleurez ! la nuit s’amasse et n’aura plus d’aurore !
Pleurez, Esprits des Dieux, vous qui me reverrez
Heurter au mur de fer mes bras désespérés !
Pleurez, Esprits des Dieux ! De mes mains suppliantes
Je briserai la coupe, et de pierres voyantes
Je remplirai le creux de mes genoux meurtris.
Seigneurs, souvenez-vous ! Souvenez-vous, Esprits !