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Page:Guerne - Les Siècles morts, I, 1890.djvu/77

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Ton sang a rejailli, Ziôn, sur tes murailles ;
L’incendie a sifflé sur le seuil éternel ;
Les chiens dans le Parvis ont traîné les entrailles
Des prêtres d’Iahvé, massacrés sur l’autel.

Dans la chambre sculptée où nul rayon ne glisse,
Respirant la fraîcheur des murs silencieux,
Sur une peau rayée, au poil soyeux et lisse,
Il s’étend, confiant en la force des Dieux.

Il dort. Deux lions roux, aux angles de la couche,
Languissants et domptés, griffent les lourds tapis.
Mais voici qu’un cri rauque a convulsé sa bouche
Et qu’un songe a pesé sur ses yeux assoupis.

Voici qu’il a vu croître, au fond du désert sombre,
Un arbre gigantesque où pendent des fruits murs.
Et la bête sauvage habitait sous son ombre,
L’oiseau faisait son nid dans les rameaux obscurs.

Dans le sol déchiré ses racines profondes
Plongeaient ; son dôme noir s’élargissait dans l’air,
Plus haut que les grands caps que, de leurs barques rondes,
Les marins de Zidôn voient monter sur la mer.

Et le vent balançait les branches étoilées,
Quand le Voyant cria : — Le Bûcheron divin,
Comme un cèdre abattu dans les herbes foulées,
Couchera l’arbre mort au travers du ravin !