Page:Guerne - Les Siècles morts, I, 1890.djvu/78

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Colosse mutilé que l’ouragan secoue,
Il croulera, souillé par l’aigle et le vautour ;
Et, pourrissant dans la pestilence et la boue,
Sera comme un roseau dans les marais d’Assour ! —

Et le Roi, redressant sa stature, livide,
Baigné de sueur, plein d’épouvante et d’ennui,
Emplit de sa clameur la salle haute et vide
Où les lions rampants grondaient autour de lui :

— L’effroi religieux étreint ma gorge sèche.
Je suis comme un dormeur en sursaut réveillé,
Comme un guerrier d’Aram que blesse un fer de flèche
Et qui roule sanglant sur le sable mouillé.

Les Keroubim massifs ne barrent plus ma porte ;
Nabou n’est plus gardien de mon palais vermeil
Et ne disperse plus l’horreur vaine qu’apporte
La nocturne Lilith à mon royal sommeil.

Les Khaldéens, pâlis sur les tables antiques,
Ceux qui rêvent la nuit au fond des tombeaux vils,
Ceux qui savent le rang et les nombres mystiques
Des grands Dieux, protecteurs du Pays, où sont-ils ?

Où sont ceux qui, parmi les vents et les tonnerres,
Distinguent dans le ciel la marche de Nirgal,
Et les observateurs des éclipses lunaires,
Et les juges du mois favorable ou fatal ?