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PRÉFACE

peuple l’univers, sont les formes les plus hautes et, pendant de longs siècles, l’unique expression de sa pensée. La Poésie a-t-elle le droit de s’emparer des mythes, de ressusciter ces Dieux et d’essayer de peindre les races antiques dans leur milieu propre et dans toute leur barbarie ou leur civilisation, avec leurs croyances et leurs mœurs ?

L’auteur le croit : et ce recueil de poèmes n’a pas d’autre but. Il serait impossible de rappeler ici les nombreux essais de poésie « archéologique » tentés jusqu’à ce jour, depuis le xvie siècle, tels que les traductions des psaumes ou les poèmes inspirés par les récits bibliques. De grands exemples s’imposent du reste entre tous. André Chénier, le premier, puisa ses inspirations à la source de la véritable antiquité grecque. En 1815, Alfred de Vigny, imitant Théocrite, écrivait la Dryade ; en 1817 le court fragment intitulé le Bain d’une Dame romaine, plus tard, Moïse, la fille de Jephté et d’autres admirables poèmes, tels que la Colère de Samson. Mais, comme le fait remarquer très justement M. Leconte de Lisle, dans son Discours de réception à l’Académie Française, — et ce qu’il dit de Moïse peut s’appliquer aux autres poèmes d’Alfred de Vigny : « Le poème de Moïse n’est qu’une étude de l’âme dans une situation donnée, n’appartient à aucune époque nettement définie et ne met en lumière aucun caractère individuel original. » Victor Hugo, avec son prodigieux génie, embrassa, dans la Légende des Siècles, toutes les périodes de l’humanité, tous les temps, toutes les races. Ici encore je citerai M. Leconte de Lisle : « Mais si la Légende des Siècles, dit-il, est plutôt, çà et