Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/111

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Depuis mille ans déjà, dans le ciel planétaire
Voguaient des astres d’or que nous avions nommés
La nuit était divine et l’éternel mystère
Se révélait dans l’ombre à des pâtres charmés.

Vos sages ont cueilli dans nos doctes collèges
Les fruits sacerdotaux, comme ceux des dattiers.
Dresse à tes Dieux récents des autels sacrilèges ;
Et laisse aux miens l’orgueil de mourir tout entiers ; -

Mais tout à coup l’effroi clôt leurs lèvres. La dune
Comme une lourde mer gonfle ses flots mouvants,
Et devant eux surgit, livide sous la lune,
L’amas démesuré qui fut la Tour des Vents.

Au seuil des hauts débris, où la porte béante
Entre les deux Taureaux naguère avait roulé,
Une femme debout, que l’ombre fait géante,
Tord ses bras éperdus sous un manteau pelé.

La vieillesse a ridé son visage farouche ;
Son œil las et sanglant s’entr’ouvre avec effort,
Et sa voix, comme un râle étranglé dans sa bouche,
Semble l’écho des temps et le souffle du sort :

— Quels pas ont résonné sur la tombe immobile
Où la haine du Dieu réveille la Sibylle ?
Quels mortels ont franchi le cercle sans espoir,
Et du voile des Temps tirant le pli morose,