Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

j’ai vu des ouvriers hardis
Faire du marbre dur jaillir des corps maudits,
Et fouillant le granit d’une main trop savante,
Imiter les contours de la forme vivante,
De celle, Adonaï, que ton souffle anima,
Lorsque dans Gan-Éden, par ton ordre, germa
De l’argile divine un être à ton imagé !

Adorez ! courbez-vous ! priez ! rendez hommage
A des Dieux de métal ou de bois ! Émouvez
D’immobiles Seigneurs à leurs autels rivés !
Parlez à des Dieux sourds, montrez vos fronts livides
A des Dieux impuissants dont les regards sont vides !
Criez : — Nos Dieux sont beaux, jeunes, forts, radieux ;
Ils ont des bras, des cœurs, des lèvres et des yeux ;
D’eux seuls ruisselle à flots la vie inépuisable !... —
Insensés ! où sont-ils ? Regardez sous le sable,
Interrogez les eaux, cherchez sous les limons,
Sous l’écrasement vaste et terrible des monts :
L’Éternel en passant a balayé leur cendre !

Lui seul est le Seigneur. C’est Lui qui vient surprendre
L’impie et le charnel en leurs œuvres de nuit.
Tout ce qui vit ou meurt, tout ce qui sauve ou nuit,
L’eau, le feu bienfaisant, le sel et l’huile fine,
Et le sang des raisins et la fleur de farine,
Les vents tumultueux, chargés de ses fureurs,
La grêle, le déluge et les fauves flaireurs,
Et les crocs des lions, et les dents des vipères,