Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/134

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Ils ont vu tous les Dieux, fils d’un songe éternel,
Dans la gloire naissant, mourir sous les insultes ;
Mais ils n’ont distingué dans la rumeur des cultes
Qu’un même et vain soupir vers l’Être universel.

Laissons les Dieux anciens aux combats d’autres âges ;
Vivons ! Il est des Dieux hospitaliers et beaux,
Illuminant l’azur de bienveillants flambeaux.
Leur demeure idéale est la raison des sages.

Ivres de longs baisers et de lèvres en fleurs,
Aimons l’Ame divine en la splendeur des choses,
Dans l’ombre et le soleil, dans la brise et les roses,
Dans les parfums flottants, les sons et les couleurs.

Aimons-la dans la forme infaillible et parfaite,
Dans la fière beauté des femmes au grand cœur,
Dans le marbre assoupli par un ciseau vainqueur,
Dans la Lyre pieuse et les vers du Poète.

Indulgents et charmés, sans crainte et sans effort,
Abordons lentement au seuil de la vieillesse,
Ainsi qu’un nautonier, pliant sa voile, laisse
Sa barque au fil de l’eau descendre vers le port ;

Afin qu’en exhalant notre haleine dernière,
Le regret des jours clos n’attriste point le soir
On, libres de désirs, nous viendrons sans espoir
A la Terre féconde unir notre poussière !