Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/154

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Elle fuit, emportant en son cœur qui soupire
Un rêve inachevé d’universel empire.

Telle, quand les combats meurtriers ont rougi
L’eau des sources, le col roide, l’oeil élargi,
La cavale altérée en hennissant recule,
S’efîare et ne revient pour boire, au crépuscule,
Que lorsqu’un flot plus pur mire le ciel natal :
Telle la Reine tremble et du passé fatal,
Dédaigneuse et farouche, a détourné son rêve.
Mais l’ombre s’éclaircit d’une vision brève,
Superbe, surhumaine, où passent tour à tour
Les Désirs couronnés et le royal Amour
Et des vaisseaux, tendus de somptueuses voiles,
Entraînant sur la mer, aux lueurs des étoiles,
Le cortège ébloui des Amants enlacés.

Voici le bleu Cydnos, limpide, aux flots glacés,
Qu’une galère immense éventre de sa proue.
Sur l’avant constellé se révolte et s’ébroue
Un hippocampe d’or dont les naseaux ouverts
Soufflent un brouillard blanc, chaud de parfums divers.
Autour des mâts sculptés palpite et se déploie
Un frisson triomphal de byssos et de soie ;
Sur les flancs du vaisseau les rames en plongeant
Ont l’éclat fugitif des nageoires d’argent,
Et la lyre vibrante, unie à l’aigre flûte,
Règle d’accords égaux le rhythme de leur chute.
Des guirlandes de fleurs entourent les agrès ;