Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/181

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Et soudain, de la foule ouverte à son passage,
Une vierge s’élance et bondit dans la cour,
Les seins nus, palpitant sous les fleurs du corsage.

Elle traîne ses pas ou glisse tour à tour,
Telle qu’au faîte obscur de la fraîche terrasse
Elle dansait naguère en frissonnant d’amour,

Quand Hérodès, charmé de sa lointaine grâce,
Croyait voir en rêvant, dans le ciel de la nuit,
Parmi les astres d’or s’évanouir sa trace.

C’est elle. Quatorze ans, loin du monde et du bruit,
Hérodias jalouse a dérobé sa fille,
La brune Salomé qu’elle appelle et conduit.

C’est elle. Lentement, depuis la noire grille
Jusqu’aux degrés massifs du royal escalier,
La vierge tourne et va sur le pavé qui brille.

Rétrécissant toujours le cercle régulier,
Elle avance, s’échappe, hésite et fuit encore
Ainsi qu’un papillon sur les fleurs d’un hallier.

Elle presse la danse et le rhythme sonore ;
Et la tunique ouverte, envolée à ses flancs,
Semble une aile d’azur dans l’air multicolore.