Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/182

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Et tandis qu’Hérodès, les yeux étincelants,
Éveille dans l'essor léger de la danseuse
L’espoir ressuscité de ses désirs brûlants,

Salomé, l’œil mi-clos, pâle et voluptueuse,
Aux pieds du vieux Tétrarque agonise et meurtrit
Sur les sandales d’or sa gorge incestueuse.

Un mot rapide, un geste, et la Vierge sourit
A sa mère, se lève et disparaît dans l’ombre.
Et la terreur plana quand la porte s’ouvrit ;

Quand la foule, muette, immobile et sans nombre,
Aperçut vaguement, par le seuil descellé,
Le prisonnier luttant dans la profondeur sombre ;

Quand la voix formidable, en un râle étranglé,
Jeta son dernier cri, si rude et si farouche
Que Mackhœrous trembla sur le roc ébranlé.

Le glaive sillonna l’ombre d’un éclair louche,
Et Salomé parut, fléchissant sous le poids
De la tête sanglante et l’écume à la bouche.

Comme une belle esclave à la table des Rois
Présente un bassin plein de figues ou d’oranges,
Elle offre en un plat d’or le chef aux cheveux droits,