Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/198

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— Il est vrai. L’Écriture est, en nos jours de honte,
Comme un lointain sommet qu’étreint la nuit qui monte.
La lettre est incomprise et l’esprit est caché ;

Et l'on voit croître, hélas ! sur l’œuvre de Mosché
Le crépuscule froid d’un siècle d’ignorance.
Oui, les prescriptions sont comme une huile rance
Qu’on oublie au cellier ou qu’on jette au ruisseau.
Mais si l’impur Romain qui tient le lourd faisceau
Arme pour nous son poing de la hache ou du glaive ;
Si, quand le Synhédrin condamne, un bras se lève
Et punit, quel que soit le supplice, il vaut mieux
Voir un gibet vengeur se dresser sous les cieux
Que d’ouvrir la prison d’où l’imposteur s’échappe.
Qu’importe le marteau s’il résonne et s’il frappe,
Si les clous aigus font dans les membres percés
Les mêmes trous saignants que les cailloux lancés,
Et si, vienne la mort du Prétoire ou du Temple,
Le peuple entier comprend l’inexorable exemple ?

— L’Esprit réside en toi. Certes le Seigneur-Dieu,
Fils de Nekounya, fit descendre son feu
Comme une lampe d’or sur l’autel de ton âme.
Nos cœurs sont le loyer où vit la vieille flamme
Et, lorsque nous passons, l’éclair de nos regards
Fait dans Jérusalem rougir les fronts hagards.
Nous sommes l’œil vivant de la Thora ; nous sommes
Prodigues de conseils et de sang économes.
Mais quand l’heure est mauvaise et le Temple ébranlé,