Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/202

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                                                            Triste et doux,
Comme un agneau lassé qui fléchit sous les coups,
Jésus de Nazareth suivait la route ardente.
Pâle sous les lambeaux d’une pourpre pendante,
L’épine dérisoire enlacée à son front,
Jésus se traîne, hésite et sourit sous l’affront.
La sueur, de crachats et de sang noir mêlée,
Goule en ruisseaux épais sur sa chair flagellée.
Il chancelle. La croix qu’il porte en gémissant
Écrase le martyr de son bois trop pesant ;
Il tombe. Cris du peuple, insultes de la horde.
Et Jésus se relève, et la pique et la corde
Hâtant l’effort meurtri de ses pas douloureux,
Il passe.

                     Et les vieillards se regardent entre eux.

Or, bientôt, vers la droite, en haut du tertre chauve,
Sur l’horizon cuivré qu’embrase un éclair fauve,
Entre deux noirs gibets tremblant à ses côtés,
La croix sinistre ouvrit ses bras ensanglantés,
Où déchiré, tordu, roidi, les mains clouées,
Un cadavre pendait sous de brusques nuées.

Comme le flux subit d’une nocturne mer,
Des nuages au loin montaient dans l’azur clair
Et plus tumultueux, plus vastes, plus opaques,
Pressaient vers le soleil, marbré de sombres plaques,