Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/203

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

L’assaut inattendu de leurs flots courroucés,
Et sans trêve élargis, l’un par l’autre poussés,
Roulaient avec la nuit et l’effroi des ténèbres
Sur les plages du ciel des océans funèbres.
Et l’ombre déferlait sur les oliviers noirs,
Et le vent précurseur, le vent des derniers soirs,
Soufflait de la colline en mouvantes rafales ;
Et de glauques éclairs strié par intervalles,
L’obscur et lourd déluge inonda l’horizon.

Et la terre fut sombre, et hors de sa prison,
La tempête en hurlant prit son vol dans l’espace ;
Et comme un char guerrier qui bondit et qui passe,
La foudre prolongea ses roulements d’airain ;
Et le sol, ébranlé par un bras souterrain,
Du Temple au Golgotha déchira son écorce.

Soudain, strident et froid comme une lame torse,
Un plus immense éclair, au sein d’un tourbillon,
Fendit l’air sépulcral d’un plus large sillon.
Et voilà qu’aveuglé, frissonnant d’épouvante,
Zadoq sur le sommet crut voir la croix vivante,
Toute blanche, grandir et démesurément
Étendre ses deux bras jusqu’au noir firmament,
Tandis que Schimeön contemplait la victime
Qui muette, absolvant le meurtre illégitime,
Semblait, le front nimbé d’indécises lueurs,
Sourire, et dans la paix des cieux supérieurs,
Suivre à travers la mort l’achèvement d’un rêve.