Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/204

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Alors, comme fouettés par le vent qui soulève
La poussière sanglante où l’Homme, sous les coups,
En tombant imprima le creux de ses genoux,
Dans le chemin souillé les deux vieillards s’enfuirent,
Et dans l’horrible nuit que des clameurs déchirent,
Voilant leurs fronts courbés d’un pan de leur manteau,
Loin de l’épouvantable et lumineux poteau,
Coururent du côté de la porte déserte.
Et cette porte était si largement ouverte
Que trois chars y roulaient sans heurter leurs essieux.

Mais dans l’ombre orageuse où s’éteignaient leurs yeux,
Zadoq et Schimeön n’ont pas vu l’ouverture
De la morne cité coupant l’enceinte obscure.
Et tous deux, aux parois usant leurs faibles poings,
Brisant leurs ongles durs, arrachant dans les joints
Des racines d’hysope au rempart qui s’éraille,
Hagards et sans parole erraient sous la muraille.
Et d’un songe vengeur toujours hallucinés,
Les Sages d’Israël, tels que des condamnés
Qui vont cherchant l’huis d’une geôle profonde,
Traînaient autour des murs leur terreur vagabonde
Ou s’arrêtaient parfois, d’un geste fou chassant
Une ombre inexorable où dégouttait du sang.