Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/216

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Flambant sur les chemins ou pourrissant en croix.
Et Rome était la gueule affamée, et les Rois,
Comme une meute fait des débris qu’elle trouve,
Rongeaient les derniers os que dédaignait la Louve.

C’était l’heure hideuse où la nuit et l’enfer,
D’horribles légions peuplant les champs de l’air,
Poussaient des gouffres noirs et chassaient dans les nues
Des apparitions de formes inconnues,
Tandis qu’au loin, pétris de monstrueux limons,
Des dragons couronnés épouvantaient les monts.
Sans nombre, pantelants, surgissant des ténèbres,
Des spectres de martyrs, en cortèges funèbres,
Erraient, et vers l’azur levant des bras sanglants,
Les yeux crevés, les poings brûlés, des trous aux flancs,
Evoquaient un vengeur dans les ombres célestes.
La Famine et la Mort, mères des noires pestes,
Fauchaient d’un fer hâtif la moisson des vivants,
Et les vautours criaient d’allégresse, et les vents
Fétides s’emplissaient d’une odeur de carnage.
Comme un voile fumeux qui s’étend et surnage
Sur les vieux horizons, l’haleine des volcans
Crachait l’épaisse nuit des brouillards suffocants ;
Et du sol convulsif, du gouffre, du cratère,
Jaillissait, submergeant la face de la terre,
L’universel torrent des brasiers souterrains.
Et la mer, sous les caps roulant ses flots sans freins,
Ouvrait les puits béants des chaudes solfatares ;
Et le soleil rongé blêmissait sous les tares